Israël a expulsé des Palestiniens de la Bande de Gaza en guise de punition collective en représailles à une tentative d’attaque contre les troupes israéliennes, révèle un document secret du Ministère des Affaires étrangères daté du 15 juin 1967.
Le document décrit une visite de fonctionnaires du Ministère des Affaires étrangères au bureau du gouverneur militaire de Gaza, et examine la décision d’expulser des dizaines de Palestiniens de Gaza vers le Sinaï après que des mines antipersonnelles destinées à nuire aux forces de sécurité israéliennes ont été installées. Avner Arazi du Ministère des Affaires étrangères, qui était alors en fonction à la division du ministère en charge de l’Asie, a rédigé le document confidentiel.
Le Dr. Guy Laron, maître de conférences à la section des relations internationales de l’Université Hébraïque, a déclaré à Haaretz : “Je n’avais pas entendu parler de cet incident, mais il y a eu des expulsions et des massacres à la fin de la guerre. Ils n’ont pas fait partie de l’histoire officielle, mais ils ont eu lieu.”
Il a dit qu’il n’avait rien lu sur cet incident particulier, mais a cité un exemple concernant l’unité de commando Shaked, qui a eu lieu à la fin de la guerre. “C’était sous le commandement de Benjamin Ben-Eliezer le 10 ou le 11 (juin),” a-t-il déclaré. “Il y a aussi l’épisode des Bédouins de Rafah, qui a eu lieu plus tard, en janvier 1972. Des milliers de Bédouins furent expulsés, au nombre estimé de 6.000 à 20.000.”
Des membres d’Akevot, l’Institut de Recherche sur le Conflit Israélo-Palestinien, ont découvert le document. « Ce qui est exceptionnel dans cette histoire c’est que les fonctionnaires du Ministère des Affaires étrangères écrivent tout de suite une note explicative,” a déclaré à Haaretz le directeur exécutif d’Akevot, Lior Yavne. “Ce n’était pas leur mission. Ils étaient venus pour signer un accord avec l’UNRWA. Il semble qu’ils ont été troublés par ce qu’ils ont vu.”
Le document décrit la visite d’Arazi à Gaza le 14 juin, plusieurs jours après la fin de la Guerre des Six Jours, visite au cours de laquelle il a rencontré le gouverneur militaire de Gaza. Les fonctionnaires ont été mis au courant des évènements dans les jours qui ont suivi la prise de Gaza. “Le 12 ou le 13, une mine antipersonnelle a explosé dans les environs de Gaza,” déclare le document. “L’enquête a conclu que la mine antipersonnel avait été posée peu de temps avant son explosion. Les traces ont mené vers certaines maisons du camp de réfugiés d’Al-Tarabshe (sic).”
Selon le document, les Israéliens ont exigé que les habitants des maisons désignent les personnes qui avaient mené l’attaque. “Peu de temps après, 110 hommes se déclarant eux-mêmes soldats de l’armée de libération de la Palestine se sont présentés, et ont reconnu leur responsabilité collective,” déclare le document.
Arazi décrit les suites de cette situation. “Ils n’ont pas cherché à identifier qui parmi eux avait perpétré l’acte,” se rappelle-t-il. “Ils leur ont donné trois heures pour révéler le nom des auteurs, sinon ils seraient tous punis – il avait été décidé de transférer dans le Sinaï tous ceux qui ne répondraient pas avant la fin de l’ultimatum et de les abandonner ! Il semble que la punition ait été exécutée entre-temps. L’armée a également fait sauter huit maisons vers lesquelles menaient les traces.”
Le document décrit aussi d’autres évènements au sujet de tentatives de l’armée de faire pression sur la population palestinienne pour qu’elle livre les armes et les soldats aux forces de sécurité.
“Le gouvernement a exigé des habitants des camps de réfugiés de la Bande qu’ils remettent toutes les armes en leur possession,” déclare le document. “Ils ne réagirent pas à cet appel. Par conséquent, le gouvernement demanda aux représentants locaux de l’UNRWA de désigner un entrepôt dans lequel ceux qui détenaient des armes pourraient déposer leurs armes pendant la nuit sans qu’il n’y ait d’enquête ou de processus d’identification. Cette méthode a été plus efficace.” Il ajoute : “Supposant que certains soldats égyptiens se cachaient dans les maisons du camp de réfugiés, les habitants du camp ont été sommés de livrer de tels soldats. Il n’y a eu aucune réaction.”
Laron déclare qu’il y a des rapports de témoins oculaires sur des expulsions collectives de Cisjordanie tout de suite à la fin de la guerre. “Cela s’est réellement produit en Cisjordanie à la fin de la guerre,” dit-il. “ Il y avait probablement un quelconque plan organisé, sur lequel aucun document n’a été publié. Cependant, il y a des récits de soldats arrivant dans des camions, incitant les habitants à partir et les transportant pour les expulser,” a-t-il ajouté.
“Uri Avnery, dans les mémoires qu’il a maintenant publiés, affirme qu’il a rencontré des soldats qui ont déclaré que c’était leur tâche – d’appliquer un plan organisé destiné à mener à l’expulsion des habitants de la Cisjordanie,” a continué Laron. “Le général en chef, Uzi Narkiss, juste avant la guerre a déclaré : s’ils nous laissent, nous pouvons bouter tous les Arabes hors de Cisjordanie en 48 heures. Sans aucun doute des milliers d’entre eux ont été contraints à l’exil.”
Lior Yavne d’Akevot a déclaré que le témoignage du gouverneur de Gaza dans le document de 1967 montre que les démolitions de maison et les expulsions ont servi dans les territoires de moyen de répression par les Forces de Défense Israéliennes dès les premiers jours de l’occupation. Se référant à l’officier qui a parlé aux fonctionnaires du ministère, Yavne a ajouté, “les juristes de l’Etat ont tendance à nier que les démolitions de maisons fassent partie de la politique de répression, mais le témoignage du Gén. Gaon est une illustration de la véritable nature des actions de démolition, qui portent toujours préjudice à ceux qui ne sont pas impliqués dans la guerre.”
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers